L'empirisme organisateur

Presque tous ceux qui ont reçu une formation maurrassienne affirment que plus encore que ses fondements (la politique naturelle) ou ses conclusions (le nationalisme intégral), c'est la méthode de Maurras qui les a séduits et qui continue de les influencer. Cette méthode a un nom : l'empirisme organisateur. Maurras explique, non sans humour, dans Trois idées politiques (1898) qu'il la devrait au célèbre critique littéraire Sainte-Beuve.

La formule peut dérouter par son apparente complexité et sa tournure philosophique. Maurras s'empresse donc d'en donner une définition extrêmement simple, dégagée de toute technicité : « la mise à profit des bonheurs du passé en vue de l'avenir que tout esprit bien né souhaite à son pays. » Ailleurs il en donne une expression plus concise : « Notre maîtresse en politique, c'est l'expérience. »

Néanmoins, cette simplicité et cette modestie ne doivent pas occulter l'originalité de l'empirisme organisateur. Par lui, Maurras rejette à la fois les philosophies fatalistes, qu'elles soient optimistes (marxisme) ou pessimistes (guénonisme), pour lesquelles le présent est totalement déterminé par quelque loi absolue, et l'illusion démocratique pour laquelle l'avenir se construit sans aucune considération du passé et sur la seule base de l'opinion.

L'empirisme organisateur explique pourquoi l'Action française a compté dans ses rangs autant d'historiens (de Jacques Bainville et Pierre Gaxotte à Michel Mourre ou Philippe Ariès) et pourquoi, aujourd'hui encore, on peut suspecter une influence maurrassienne derrière tout observateur de la vie politique capable de s'élever au-dessus des considérations d'actualité pure pour mettre les hommes et les événements en perspective avec le temps long.

Stéphane BLANCHONNET

Article publié sur a-rebours.fr et dans L'AF2000


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