La République

Maurras n'a jamais parlé positivement de la démocratie mais il en va parfois autrement du terme de « république ». Pour des raisons d'ailleurs très diverses : tantôt il s'agit de rappeler que la monarchie n'est pas forcément le régime adapté à tous les peuples et à tous les climats, tantôt de désigner les corps intermédiaires que sa doctrine entend restaurer (les « républiques sous le roi ») ou encore de faire référence à un sens ancien du mot « républicain », qui put désigner sous l'Ancien régime, les « politiques », autrement dit ceux qui avaient le souci de la bonne marche du royaume.

Mais ces occurrences flatteuses sont rares. Pour Maurras la République c'est avant tout, en France (il faut toujours le préciser), la « machine à mal faire ». Un régime faible là où il devrait être fort (défense, diplomatie, sécurité, justice) et fort là où il devrait être faible ou absent (administration du quotidien des citoyens, éducation, endoctrinement idéologique) ; un régime condamné à l'inefficacité par la faiblesse du parlementarisme, l'instabilité, le manque de durée (pour capitaliser l'expérience comme pour prévoir l'avenir) et incapable de réformer par peur de déplaire à l'opinion et de perdre l'élection. Ce dernier défaut que la constitution de la Vème République tendait à atténuer retrouve aujourd'hui une actualité criante avec l'instauration du quinquennat.

Une autre raison, plus profonde, rend impossible en France l'existence d'une bonne république. La République française est en effet bien plus qu'un régime politique. Elle est le nom français de la démocratie, qui nivelle et déracine, et de la philosophie des Lumières. Elle tend à remplacer la patrie millénaire, celle de l'Histoire, des identités locales, des traditions, religieuses ou profanes, par une autre patrie, purement idéologique. Les récentes querelles sur les crèches dans les mairies ou l'invocation aussi vague que frénétique aux « valeurs de la République », qu'il s'agisse d'opposer la seule laïcité à l'islamisation ou de faire barrage à un parti politique réputé non républicain, nous rappellent chaque jour que cette dimension du problème est loin d'être dépassée.

Stéphane BLANCHONNET

Article paru sur a-rebours.fr et dans L'AF2000


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