La démocratie

Pour Maurras, comme pour Platon dans La République, la démocratie c'est le mal, la démocratie c'est la mort. Le gouvernement du nombre est soit le masque de l'oligarchie, quand le nombre se donne à l'Or et à ses représentants, comme dans les démocraties bourgeoises et parlementaires, soit celui de la tyrannie, du césarisme, quand le nombre se donne à un homme fort, à un parvenu charismatique.


Maurras n'est donc pas démocrate. Mais il est démophile. C'est par amour du peuple, comme il l'affirme avec force dans Libéralisme et libertés, démocratie et peuple, qu'il lui propose de renoncer à l'illusion de se gouverner lui-même, non seulement pour être mieux gouverné mais encore pour reconquérir les libertés et les prérogatives que l'État démocratique lui a impunément volées à lui, homme concret, membre de communautés naturelles ou d'intérêt, au nom de la prétendue volonté générale que cet État omnipotent prétend seul incarner.


Si Maurras n'est pas démocrate, il n'est pas pour autant opposé à l'élection. Il est même un partisan du suffrage universel. Il l'a sans cesse rappelé contre toutes les tentatives de déformation de sa pensée. Mais il veut changer l'application du suffrage. Celui-ci doit servir à élire les autorités locales, dans les communes et les régions, professionnelles, dans les métiers, et même, pourquoi pas, à trancher directement certaines questions. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui assez improprement « la démocratie directe et participative ».


L'Action française ne doit pas négliger dans le débat contemporain cette question du vocabulaire. Le mot « démocratie » n'est plus perçu d'abord dans son sens politique et classique, le gouvernement par le plus grand nombre, mais dans un sens métapolitique, moral, qui correspond plus ou moins à l'État de droit, à la justice, à l'équité. Il ne nous est pas interdit d'être habiles en adaptant, quand cela peut faciliter la compréhension de nos idées, notre langage jusqu'à oser, sur le modèle du célèbre « l'autorité en haut, les libertés en bas » un « la monarchie en haut, la démocratie en bas ».

Stéphane BLANCHONNET

Article paru sur a-rebours.fr et dans L'AF2000


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