Demoiselles, gentes dames et femme Bachelot


   Que penser de l’interpellation du Premier ministre par Roselyne Bachelot au sujet de l’emploi du terme « Mademoiselle » dans les documents officiels ? S’agirait-il d’une urgence manifeste dans le cadre de son ministère ? L’usage de « Mademoiselle » mettrait-il en péril la solidarité et la cohésion sociale ? Difficile à soutenir ! Mme Bachelot veut-elle faire un petit buzz autour de sa personne ? S’agit-il de montrer que la gauche n’a pas le monopole des postures modernistes et attrape-bobos ? Hypothèses infiniment plus vraisemblables !
   R.  Bachelot apporte donc  son soutien à la campagne « Mademoiselle, la case en trop » lancée par les Précieuses ridicules  des associations « Osez le féminisme » et « Les chiennes de garde ». Or le discours de ces deux petites coteries, qui prétendent comme de coutume parler au nom de toutes les femmes, se signale d’abord par son outrance. Il s’agit non seulement de supprimer « Mademoiselle » dans les documents administratifs mais aussi d’éradiquer son emploi dans la vie de tous les jours. Ce deuxième aspect est révélateur de la tendance totalitaire propre à une partie de la gauche : ces gens-là ne se contentent pas d’avoir des opinions, ils veulent aussi régir la pensée et la parole de leur prochain. Leur manière d’argumenter est elle aussi révélatrice : « Certaines femmes apprécient en effet de se faire appeler « mademoiselle » : c’est flatteur, ça renvoie l’image [sic] de la jeune femme jolie, fraiche, séduisante, et d’aucunes apprécient ce qu’elles considèrent comme une marque de politesse et de galanterie de la part de leur interlocuteur. Qu’y a t-il de poli en vérité à nous montrer qu’on connaît tout de notre vie privée et à nous laisser entendre qu’on est à moitié finie parce qu’on a pas de mari et qu’on ne bénéficie pas ainsi de vrai statut dans la société?! Parce que c’est bien de cela dont il est question, dans le fond : le statut des femmes dans la société. » Cette longue citation prise sur le site lancé pour l’occasion par les deux associations (« madameoumadame.fr ») suffit à montrer la mauvaise foi et la paranoïa qui animent le collectif. En effet d’un strict point de vue linguistique, la plus élémentaire honnêteté devrait faire reconnaître que quand un locuteur emploie « Mademoiselle » pour interpeler une femme c’est toujours, aujourd’hui, en raison de l’âge de son interlocutrice ou pour flatter une femme plus âgée en lui signalant par ce moyen qu’elle conserve des moyens de plaire. Mais non, dans la pensée hystérique de ces féministes, il est évident que tout homme qui interpelle une jeune femme sous le vocable de « Mademoiselle » veut par là violer son intimité, s’immiscer dans sa vie privée et peut-être sa conscience, la stigmatiser, l’insulter, lui signifier qu’elle a rapidement intérêt à se trouver un maître ! Etonnant phénomène de transfert qui voit les « Chiennes de garde » projeter sur les mâles contrits et repentants de notre temps leur propre esprit tatillon, suspicieux et inquisitorial… Etonnant anachronisme aussi qui considère implicitement que dans la société actuelle, où le mariage est pourtant de moins en moins fréquent, une femme non mariée serait dépourvue de « statut ».
   Il  est vraisemblable que le terme « Mademoiselle » continuera longtemps encore à habiter poétiquement les conversations et cela tant que les féministes n’auront pas obtenu la prohibition de la galanterie, cet art français de la séduction. En revanche il est plus que probable qu’il disparaîtra bel et bien dans les documents officiels. Aucun usage, aussi ancien et vénérable soit-il, ne saurait en effet résister longtemps au couperet de l’idéologie égalitaire.
   Il nous reste pour finir à formuler un vœu : que l’on rende à « Mademoiselle » mais aussi à « Madame » leur sens originel, qui en réservait l’usage aux filles et femmes de qualité (en prenant évidemment ce dernier terme dans une acception beaucoup plus large que celle qu’il avait sous l’Ancien régime). Ainsi nous pourrons refuser l’un et l’autre à la femme Bachelot et à toutes les chiennes de garde de son espèce.

Stéphane BLANCHONNET

Article d'abord paru sur a-rebours.fr puis repris dans L'Action Française 2000


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