Une nouvelle victoire du pédagogisme

    La rentrée 2010 est marquée par une double actualité : la réforme du recrutement des enseignants et la réforme du lycée. Les tenants du primat de l'instruction sur l'éducation, des savoirs sur les savoir-faire trouveront là de nouveaux sujets d'inquiétude.
    Du côté des concours, on réduit, au CAPES, le nombre des épreuves écrites d'admissibilité et l'on supprime les épreuves propres à la discipline à l'oral d'admission. L'exemple des lettres modernes est éloquent : les épreuves écrites passent de quatre à deux. Il faut dire adieu à l'épreuve de langue (la version latine notamment), qui disparaît complètement. Quant à l'épreuve spécifique de grammaire historique, elle est fondue avec l'épreuve de grammaire moderne. A l'oral, plus d'explication de texte traditionnelle (l'épreuve reine de la discipline) mais deux épreuves "professionnelles". En lettres classiques, c'est encore pire : à l'écrit, les épreuves de latin et de grec fusionnent pour se réduire à deux petits bouts de version et l'explication d'un texte grec ou latin disparaît complètement à l'oral, encore une fois au profit d'une épreuve "professionnelle", c'est-à-dire pédagogiste. Les membres du jury du CAPES de lettres classiques ont d'ailleurs collectivement présenté leur démission au ministre pendant l'été pour ne pas cautionner ce nouveau pas dans la dévalorisation de l'enseignement des langues anciennes, dont il n'est pas inutile de rappeler l'importance cruciale pour la compréhension de notre culture française et européenne.
    Du côté de la réforme du lycée, la nouveauté réside dans la création d'une nouvelle matière ou plutôt d'une non-matière, l'accompagnement, au détriment des heures consacrées aux disciplines traditionnelles (le français, les mathématiques, les langues, etc.). Quels sont les objectifs de l'accompagnement ? L'orientation, la méthodologie, le soutien scolaire, l'approfondissement des connaissances. Il est facile d'y déceler la même logique qui a présidé à la réforme des concours : diminuer les exigences propres aux matières et aux savoirs eux-mêmes pour accroître le temps passé à apprendre à apprendre... Au fond, tout cela n'est que la conséquence logique de la massification du lycée général et de la baisse du niveau qu'elle induit. Pour pouvoir obtenir le succès de tous les membres d'une classe d'âge au baccalauréat, on doit nécessairement vider celui-ci de son contenu, le savoir, et le remplacer par un vague vernis, pompeusement baptisé « savoir-faire ». Pendant ce temps, les filières professionnelles (techniques) continuent d'être marginalisées alors qu'on devrait orienter vers elles beaucoup d'élèves qui végètent à leur corps défendant dans des filières littéraires ou scientifiques pour lesquelles ils ne sont pas faits.
    Ajoutons à ce tableau déjà peu réjouissant que la disparition annoncée des IUFM n'est qu'un mythe puisque ceux-ci vont subsister au sein des universités et délivreront sans doute les masters professionnalisants devenus nécessaires pour passer les concours de recrutement de l'éducation nationale. Notons aussi, avec regret, que le seul acquis réellement intéressant de ces dernières années en terme de pédagogie, l'année de stage, est quant à lui bel et bien supprimé. L'ancien système permettait aux nouveaux titulaires des concours de s'initier à la pratique de l'enseignement avec la responsabilité d'une seule classe et seulement six heures de cours par semaine. Désormais, les nouveaux certifiés et agrégés devront assumer un plein temps dès leur première rentrée.

Stéphane BLANCHONNET

 Article d'abord paru sur a-rebours.fr puis repris sur actionfrancaise.net et dans L'Action Française 2000


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