La Morale de Peillon et de NKM

   L'annonce par Vincent Peillon, le nouveau ministre de l'éducation nationale, le 29 août, de son projet de mettre en place un cours de morale laïque, « du plus jeune âge au lycée », à l'horizon de la rentrée 2013, a fait couler beaucoup d'encre. Madame Kosciusko- Morizet, s'est par exemple fendue d'un papier ambigu dans le Monde du 14 septembre sous le titre « morale laïque ou instruction civique » dans lequel elle commence par critiquer le projet du ministre au nom de l'idée, d'ailleurs parfaitement juste, que l'Etat n'a pas à se substituer aux familles en ce qui concerne la morale, pour finir par proposer un simple toilettage de la réforme, dont elle semble avoir oublié qu'elle rejetait le principe dix lignes plus haut ! NKM préfère en effet au cours de morale, discipline à part entière, envisagé par Peillon « un processus plus global de formation du citoyen, interdisciplinaire et intégrant tous les acteurs, en sciences humaines en tout cas, de notre école. »

   Si elle s'était un peu renseigné, notre péronnelle aurait appris que sa solution interdisciplinaire est non seulement déjà à l’œuvre depuis des années mais envahit de plus en plus le contenu des programmes scolaires, notamment en français et en histoire-géographie, au détriment des connaissances propres à ces disciplines ! Une fois de plus la pseudo-droite, parce qu'elle partage au fond l'idéologie de la gauche, en matière d'éducation comme dans la plupart des autres domaines (à l'exception peut-être des questions fiscales ou budgétaires, donc exclusivement techniques), ne peut que gesticuler maladroitement quand il s'agit de faire œuvre d'opposition. En effet, ne nous y trompons pas, derrière la querelle autour du terme « morale » préféré par les uns ou du terme « instruction civique » promu par les autres (comme NKM) et derrière les discussions oiseuses sur la meilleure méthode pour l'enseigner (disciplinaire ou interdisciplinaire), se cache la même idéologie.

   M. Peillon, dont l'esprit est un peu plus clair que celui de son opposante de pure circonstance, a le mérite de la définir dans un entretien accordé au Journal du dimanche : « Le but de la morale laïque est de permettre à chaque élève de s'émanciper, car le point de départ de la laïcité c'est le respect absolu de la liberté de conscience. Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d'arracher l'élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ». Voilà l'idéologie des prétendues « Lumières » brillamment résumée. Ni Dieu, ni maître, ni famille, ni patrie, ajoutons ni culture (pas de déterminisme intellectuel, n'est-ce pas M. Peillon !), ni sexe (il ne faudrait pas oublier de régler leur compte aux déterminismes biologiques). Le projet révolutionnaire de mise en place d'un homme abstrait, d'un homme nouveau, sur les ruines de l'homme différencié issu des traditions morales et religieuses, continuera donc sous la gauche comme sous la pseudo-droite (après tout le Gender a bien été inscrit dans les programmes de SVT par M. Chatel l'ami politique de Mme Kosciusko-Morizet) et sous une forme ou une autre : Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !

   Le hasard a voulu que je fasse récemment l'acquisition d'un Livre de morale des écoles primaires et des cours d'adulte écrit par un certain Louis Boyer, inspecteur de l'enseignement primaire, et publié en 1887, quelques années après la mise en place des lois Ferry... La consultation de ce volume dont la réédition est à porter au crédit des Éditions des Équateurs, est particulièrement instructive par rapport à notre sujet. C'est à première vue un pur chef d’œuvre de conservatisme où l'on ne parle que de devoirs, presque jamais de droits ! On y apprend les devoirs de l'enfant dans la famille et à l'école, les devoirs, nettement différenciés, de l'homme et de la femme, les devoirs envers la patrie, envers les biens extérieurs, envers les animaux (comme quoi l'écologie n'a pas été inventée par des hippies dans les années 60 !) et même... envers l'âme et envers Dieu ! Bref, on y enseigne la même morale que celle défendue à la même époque par l’Église. La seule différence, mais elle est de taille, est qu'il s'agit d'une morale « indépendante », de type kantien, donc détachée de tout dogme religieux, de toute métaphysique, de toute référence à une tradition particulière. Au fond, la IIIème République en fondant sa morale sur la « conscience » du sujet a ouvert la voie à toutes les évolutions ultérieures, y compris aux aberrations contemporaines les plus échevelées comme le "mariage" homosexuel dont la simple idée aurait vraisemblablement horrifié les fondateurs de la morale laïque, en admettant qu'ils aient pu seulement se la représenter ! Notons d'ailleurs que sur cette dernière question, notre NKM n'a trouvé comme unique argument à son opposition au projet (le 06 août sur Europe 1), que le fait qu'elle « n'y était pas prête » ! Gageons qu'avec le temps, elle s'y fera !

 

Stéphane BLANCHONNET

Article paru sur a-rebours.fr puis repris dans L'Action Française 2000

 


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