Avec le peuple
Pour certains romantiques comme Michelet ou Hugo, le Peuple est une entité quasi surnaturelle, sujet véritable de l'Histoire ; pour Maurras au contraire, le peuple n'est que très rarement animé d'une volonté propre, et un amour sincère de ce peuple doit nous porter à lui souhaiter d'être bien gouverné plutôt que de l'entretenir dans l'illusion de sa souveraineté ; Boutang, quant à lui, réévaluera le statut du peuple dans la pensée maurrassienne en mettant l'accent sur l'importance de l'assentiment populaire dans la genèse de toute légitimité.
Aujourd'hui les maurrassiens sont séduits par les pensées populistes (comme celles de Christopher Lasch et de Jean-Claude Michéa) et soutiennent avec ardeur la lutte des gilets jaunes contre les élites. Devons-nous dans ce contexte remettre à plat notre conception du peuple et du rôle à lui accorder ?
La situation politique en France (et dans la plupart des autres pays européens) nous y invite. La bourgeoisie, en effet, qu'elle soit de gauche ou de droite, n'est plus « nationale » mais mondialiste et post-nationale. La quasi disparition du Parti socialiste comme la contraction de l'espace politique de la droite conservatrice (Wauquiez), au profit d'un bloc macroniste, libéral et européen, de droite sur les questions économiques et de gauche sur les questions « de société », montrent que le salut pour les partisans de la souveraineté et de l'identité nationales ne pourra venir que du peuple. C'est un changement de paradigme dont il faut prendre toute la mesure.
La stratégie jusqu'ici consistait à privilégier une action par des élites « retournées » et à obtenir ensuite le consentement plus ou moins tacite du peuple. Il semble qu'aujourd'hui l'ordre soit inverse : il faut entraîner le peuple, ou plus exactement faire mouvement avec lui, pour obtenir, à l'arrivée, le ralliement d'une partie des élites, obligée de composer avec la puissance du soulèvement populaire.
Stéphane BLANCHONNET
Article paru sur a-rebours.fr et dans Le Bien Commun
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