L'économisme

Dans la pensée antique, la distinction entre l'ordre de la politique (de polis, la cité) et l'ordre de l'économie (de oikos, la maison) est très nette, ainsi que la subordination de celui-ci à celui-là. C'est que, selon la formule d'Aristote, la politique est non seulement architectonique par rapport à l'éthique (sans la cité pour protéger les personnes, pas de vie morale) mais également par rapport à l'économie (pas de production et d'échanges sans ordre, sans paix et sans loi).

À l'époque moderne, les valeurs semblent s'être inversées : les premiers économistes libéraux comme leurs premiers contradicteurs socialistes (Marx notamment) ont accordé la première place à l'économie ; la politique n'étant à leurs yeux qu'une superstructure exprimant sous une forme différente des rapports foncièrement économiques. Les crises régulières du capitalisme (crises financières, crises de surproduction, guerres, accroissement inédit des inégalités, même dans l'abondance) et l'échec patent du communisme du côté du socialisme, n'ont hélas pas mis un terme à cette croyance dans notre post-modernité. La "gouvernance" des taux (de croissance, de chômage etc) dont le modèle est la gestion d'entreprise a en effet pris le pas sur le gouvernement des hommes.

On reproche parfois aux royalistes de ne pas avoir de programme économique. C'est un mauvais procès. Ils n'ont tout simplement pas de dogmes en la matière ! À l'égard des thèses libérales ou socialistes ils sont agnostiques et font leur miel de tout. S'il leur fallait choisir un maître en la matière, ce ne serait pas un théoricien de l'économie mais un praticien. Plutôt que d'adhérer au credo de Smith, de Ricardo ou de Marx, ils regardent du côté de Colbert, dont l'action a consisté à soutenir, protéger, faciliter, le travail des acteurs économiques sans se substituer à eux systématiquement et dans un but très simple et pas du tout idéologique : enrichir l'État par la prospérité économique et lui permettre de mener à bien ses fins propres, qui sont extra ou meta économiques.

Stéphane BLANCHONNET

Article paru sur a-rebours.fr et dans L'AF2000


Vos commentaires

Le 29/12/2017 à 12:35, Hagnauer paul a écrit :
Le bien de la nation, en favorisant toutes les possibilités qu’offrent le pays, en equilibrant le partage des richesses !