La décentralisation

La décentralisation est à plus d'un titre un thème fondamental dans la pensée maurrassienne. Chronologiquement d'abord puisque l'engagement de Maurras en faveur de la décentralisation précède sa critique de la démocratie et sa conversion à la monarchie ; par son importance ensuite, tant sur le plan de la conception de la monarchie et de l'État que sur le plan de la définition de la nation et de la nationalité.

Le jeune Maurras est un disciple passionné de Frédéric Mistral et de son œuvre de restauration de la culture provençale. Avec son ami Frédéric Amouretti, il rédige en 1892 (à 24 ans) une Déclaration des jeunes Félibres qui est son premier grand texte politique. Il y développe un programme audacieux dont les principaux axes sont la destruction de l'étouffant corset jacobin, l'autonomie des communes, la restauration des provinces historiques et leur fédération (car il s'agit déjà de refaire la France, pas de la décomposer). Mais comme chez Proudhon, ce fédéralisme est encore sans fédérateur.

C'est tout naturellement que le fédéralisme de Maurras trouvera son achèvement avec sa conversion à la monarchie à partir de 1896. La monarchie voulue par Maurras n'est pas un régime autocratique ou tyrannique, elle est un État fort dans ses attributions essentielles (les fonctions régaliennes) mais limité, voire complément absent, dans l'administration de la société. Celle-ci sera autonome et organique, tournant ainsi le dos à la fois au centralisme républicain et à l'individualisme libéral. Ce programme est parfaitement résumé par la formule « l'autorité en haut, les libertés en bas ».

Mais la décentralisation n'a pas pour seul but chez Maurras de réformer l'État. Il s'agit aussi de redéfinir la nationalité à partir des attachements et des enracinements, c'est-à-dire du « pays réel », et non à partir des principes abstraits censés tenir lieu de lien social dans la conception de la plupart des républicains. Maurras est en ce sens un des premiers penseurs français de l'identité et le plus profond, car la revendication identitaire n'est pas chez lui isolée des autres aspects de la réflexion politique, notamment d'une doctrine de l'État. Nul besoin d'insister sur son actualité dans la France de 2016 !

Stéphane BLANCHONNET

Article paru sur a-rebours.fr et dans L'AF2000


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