La légitimité

La question dynastique est absente des écrits politiques de Maurras pour une raison simple : elle ne se posait pas. L'Action française n'a pas eu à prendre position. Venant au royalisme par réflexion politique, le jeune mouvement s'est naturellement conformé à la position ultra majoritaire, pour ne pas dire unanime, des royalistes.

Celle-ci est simple à résumer : premièrement, l'orléanisme, qui n'était pas une fidélité dynastique mais une politique de compromis entre libéralisme et conservatisme, accidentellement associée à la branche cadette de la Maison de France en 1830, avait cessé d'exister ; deuxièmement, le comte de Chambord, héritier légitime de la couronne et petit-fils de Charles X, dernier roi ayant régné en vertu des lois de dévolution traditionnelles, avait fait autour de lui l'unité de tous les royalistes, y compris de ses cousins Orléans ; troisièmement, à sa mort, les royalistes, avaient reconnu comme son héritier le petit-fils de Louis-Philippe, Philippe VII, comte de Paris, devenu l'aîné de la Maison de France. Maurras était bien placé pour connaître cette réalité en tant que rédacteur à La Gazette de France, principal titre de la presse légitimiste, qui soutenait désormais les droits du comte de Paris.

Pendant plus d'un demi siècle la question dynastique ne se posera donc pas. La légitimité des Orléans, consacrée par l'exil, par la volonté de servir (les princes chercheront à rentrer en 1914 et en 1940 pour défendre la patrie), par la reconnaissance des cours européennes et par les bons rapports avec les royalistes et l'AF, jusqu'à Henri VI comte de Paris en tout cas, ne sera pas contestée.

La résurgence de la question dynastique ces dernières années a surtout servi à diviser et affaiblir le royalisme. Ceux qui par haine du défunt comte de Paris (Henri VI) sont allés chercher à l'étranger des princes rendus accidentellement disponibles par la restauration des cadets et non des aînés en Espagne, en portent la lourde responsabilité. Leur position, en réalité politique a pris les apparences d'une argumentation juridique mais elle ne tient pas. En plus du traité d'Utrecht lui-même (par lequel les Bourbons d'Espagne, descendants de Philippe V, petit-fils de Louis XIV, renonçaient à la France et qui avait été incorporé au droit royal français jusqu'à la Restauration), ils prétendent effacer trois siècles de séparation entre les deux couronnes, faire d'un roi d'Espagne ayant effectivement régné sur son pays (Alphonse XIII), un roi de France rétrospectif sous le nom fantaisiste d'Alphonse Ier, et réinventer à leur profit la division oubliée entre « légitimistes » et « orléanistes ». Ce révisionnisme sémantique doit être combattu vigoureusement non seulement car il est absurde de qualifier les héritiers politiques de Maurras d'orléanistes mais surtout parce que la question du prince n'est pas secondaire. Les royalistes, qui défendent une institution reposant sur la plus forte incarnation possible de l'autorité, doivent pouvoir désigner sans hésiter à leurs compatriotes la personne du roi !

Stéphane BLANCHONNET

Article paru sur a-rebours.fr et dans L'AF2000


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