Encore la parité

    Le 20 janvier, l'assemblée nationale adoptait en première lecture une proposition de loi présentée par Jean-François Copé, président du groupe UMP, et Marie-Jo Zimmermann, rapporteure (sic) du texte et présidente de la délégation aux droits des femmes, sur la « Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance » des entreprises. Ce texte ambitieux et très contraignant pour les entreprises concernées (les Sociétés Anonymes cotées en bourse) fixe un quota de 20 % de femmes à atteindre dans les 3 ans puis un quota de 40 % dans les six ans, le non-respect de la loi entraînant la nullité des délibérations des conseils d'administration des entreprises récalcitrantes.

La droite en pointe

    La lecture du compte rendu des débats sur le site de l'assemblée est édifiante. La droite, ou prétendue telle, y montre à quel point elle est en complète contradiction avec la philosophie libérale qu'elle prétend représenter en instaurant de nouveaux quotas inspirés par la logique de la discrimination positive, combien elle est intellectuellement inféodée à la gauche et au progressisme le plus niais (« La modernité d’une société se mesure à sa capacité à considérer les femmes. Avec ce texte, nous avons un rendez-vous avec la modernité ! » dixit M. Copé) et jusqu'où elle  est prête à préférer la logique individualiste et égalitariste aux valeurs familiales traditionnelles (« le monde des entreprises n’est pas plus tendre que celui de la politique. Il n’est pas épargné par les idées arrêtées et reçues sur la place que tiendrait la femme dans notre société. On y relaye l’image d’une femme sérieuse dans ses études, dévouée dans son travail, mais qui donne sa préférence à la vie de famille ; l’idée y est répandue que cette logique est propre à la femme en tant que telle et que nous ne saurions la remettre en cause sans risquer de pénaliser notre société tout entière. Ces opinions sont malheureusement répandues dans de larges franges de notre société. Si nous les jugeons contraires à nos principes, rétrogrades et pénalisantes pour notre pays, nous avons le devoir d’agir... » dixit M. Sébastien Huyghe, député UMP du Nord). Quant à la gauche, qui ne votera finalement pas le texte, elle pratique comme à son habitude et conformément à la logique du parlementarisme, une opposition en forme de surenchère sur un texte pourtant inspiré de ses propres principes. Le quota de 40 % lui paraissant insuffisant, elle réclame 50 % (« c’est le principe de parité qui doit s’imposer, et non pas l’application de quotas » dixit Mme Génisson, député socialiste du Pas-de-Calais) ! Ce fut aussi l'occasion pour Mme Coutelle, député socialiste de la Vienne, de lancer à la face des mâles contrits et confis en repentance de l'hémicycle ces propos dignes d'une pasionaria révolutionnaire (et révélateurs d'une sorte de machisme à l'envers) : « Prenons modèle sur l’Islande, où les femmes, chassant les hommes, ont pris le pouvoir et remis sur les rails un pays en proie aux dérives de ceux qui le gouvernaient ! » On se demande bien quel quota conviendrait à Mme Coutelle, 60, 70, 80 % ? Une fois, deux fois, trois fois... adjugé, vendu !

Des féministes contre le principe de parité

    L'égalité des hommes et des femmes devant la loi étant acquise depuis de nombreuses années, les femmes n'étant en rien entravées dans leurs aspirations à faire carrière (dans la politique ou dans les affaires), sinon par leur physiologie spécifique (la nature est réactionnaire mais M. Copé déposera sans doute une proposition de loi pour l'abolir) et leur propre désir de materner (mais Mmes Zimmermann, Génisson et Coutelle ont sans doute déjà pensé à les rééduquer dans un sens plus conforme au "progrès"), on ne voit pas très bien à quelle urgente nécessité ou à quelle criante injustice répond cette loi. On comprend encore moins que pour permettre la mise en place de ces quotas de femmes on ait à deux reprises, en 1999 et en 2008 (sur proposition de Mme Zimmermann, encore elle !) modifié l'article premier de la constitution, article devenu parfaitement contradictoire en ce qu'il affirme à la fois le principe universaliste de l'égalité de tous devant la loi, sans distinction d'aucune sorte, et la volonté différentialiste de favoriser l'accès des femmes aux fonctions politiques, professionnelles et sociales. Il est d'ailleurs intéressant de noter que le principe de la parité, qui inspire la proposition Copé-Zimmermann même si elle a renoncé à l'objectif des 50 %, n'est pas critiqué seulement par le bouillant Alain Soral ou le subtil Eric Zemmour mais aussi par des figures du féminisme historique comme Elisabeth Badinter. Cette dernière déclarait en 2003, dans un entretien accordé à L'Humanité, à propos de la loi sur la parité en politique de 2000 (dont la proposition Copé n'est que l'extension au domaine économique) : « La question de la loi est insupportable à mes yeux pour deux raisons. La première, c’est la sexualisation de la citoyenneté, et avec elle le retour du déterminisme biologique. Ce que je trouve redoutable pour les femmes et contraire aux acquis universalistes. Deuxième point, les femmes qui ont défendu la parité ont montré un égoïsme contraire à leur supposé nature altruiste [...] Or quand je regarde l’Assemblée nationale, je ne vois pas de Français de la première génération, je ne vois pas de Français de moins de vingt-cinq ans, je ne vois pas d’ouvriers, je ne vois pas représentés de nombreuses catégories de la population. Du coup, au lendemain de la loi votée sur la parité, on a vu des associations de Français d’origine africaine et maghrébine dire " pourquoi pas nous ? " Ce que je comprends très bien ».

De faux amis

    Mais ici comme ailleurs (je pense au débat sur l'identité nationale) ne nous satisfaisons pas des rapprochements de surface et des convergences de fait. En effet, l'idéologie de Madame Badinter est aussi fausse et aussi contraire au Bien commun que celle de Monsieur Copé. En effet, le féminisme universaliste nie les différences entre les hommes et les femmes ou les explique par la seule culture alors que la biologie, la physiologie, la psychologie et la sociologie contemporaine, notamment aux états-Unis, démystifient chaque jour un peu plus les impostures du discours féministe. Comme nous l'écrivions dans un précédent numéro, il est tout à fait certain désormais qu'aux différences morphologiques incontestables s'ajoutent des différences comportementales et même cognitives qui affectent la personne tout entière et cela dès la petite enfance. Ne pas en tenir compte et vouloir à tout prix pousser les filles et les femmes à se considérer comme des hommes est une absurdité au plan individuel comme au plan social. Qui aurait la bêtise de faire concourir les hommes et les femmes dans les mêmes catégories pour des épreuves d'athlétisme ? Pour l'anecdote, notons que la Sud Africaine Caster Semenya qui a remporté dans un temps record le 800m féminin en 2009 au championnat du monde de Berlin et dont la performance extraordinaire, le physique très masculin et la voix très grave avaient entraîné une enquête officielle sur sa féminité, serait pourtant arrivée loin derrière le dernier si elle avait concouru dans la catégorie masculine...

Différences cognitives

   Dans le domaine comportemental et cognitif cette fois, un spécialiste comme David C. Geary de l'Université du Missouri, auteur d'un ouvrage de fond sur les différences sexuelles, Hommes, femmes, l'évolution des différences sexuelles humaines (traduction  française aux éditions De Boeck), conclut son chapitre sur les différences sexuelles du cerveau et de la cognition par ce constat : « le plus généralement, ces différences sexuelles reflètent une plus grande élaboration des compétences cognitives associées aux relations dyadiques [les relations interpersonnelles] chez les filles et les femmes, et celles associées à une meilleure représentation de l'environnement et à l'action sur cet environnement chez les garçons et les hommes. » N'en déplaise à M. Sébastien Huyghe, la thèse du professeur Geary semble accréditer ce que ce parlementaire considère comme des préjugés rétrogrades et que, pour notre part, nous estimons une vérité de simple bon sens, à savoir que l'activité de l'intelligence féminine est plus portée vers l'établissement de relations harmonieuses entre les personnes, là où l'activité de l'intelligence masculine tendra à s'assurer le contrôle et la domination du groupe. C'est une donnée qu'il importe de prendre en compte si l'on veut trouver une explication crédible à ce paradoxe qui voit les filles, qui réussissent pourtant en moyenne mieux leurs études que les garçons, échouer dans des proportions inverses quand il s'agit de prendre le contrôle de postes de direction. Aucune loi ne changera cet état de fait. On peut d'ailleurs se demander si cela est seulement souhaitable. Dans une société comme la nôtre où l'action combinée d'une catastrophe démographique annoncée (à peine moins préoccupante que chez nos voisins quoi qu'en disent les médias) et d'une immigration de masse toujours incontrôlée, l'état n'a-t-il pas mieux à faire que de détourner les femmes françaises de faire des enfants et de s'occuper de leur famille pour briguer la tête des conseils d'administration des entreprises ?

Stéphane BLANCHONNET

Article d'abord paru sur le site a-rebours.fr puis repris dans L'Action Française 2000.


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