Les contresens de BHL sur la nation

    Laurent Joffrin rapporte, dans un article du 20 septembre dernier, les propos tenus par Bernard-Henri Lévy à l'occasion du meeting « Touche pas à ma nation » organisé la veille, au théâtre du Châtelet, par Libération, La Règle du jeu et SOS racisme.
    Le philosophe mondain, inamovible bonne conscience des talk-shows de la télé, nous ressert à l'occasion de cette journée de la haine anti-Sarkozy, la vieille thèse de la nation ouverte (entendez celle des Républicains et de Renan) faisant face à la nation fermée (celle incarnée par Sarkozy et, bien sûr... Maurras).
C'est oublier un peu vite que le très républicain Jules Ferry, par ailleurs fervent partisan de la colonisation, affirmait sans détour devant l'Assemblée nationale le 28 juillet 1885 : « Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit sur les races inférieures ». C'est oublier aussi, l'usage du mythe de la nation gauloise que fit la République pour minorer le rôle de la monarchie et de l'Eglise dans la formation de la France.
    En ce qui concerne Charles Maurras, que BHL ne connaît sans doute qu'à travers quelques citations tirées de ses textes les plus polémiques (« lettre à Schrameck » ou autres), il est complètement faux de prétendre qu'il avait une conception particulièrement étroite et fermée de la nationalité. Dans les textes de philosophie politique où il aborde la question, Maurras se présente en fait comme le continuateur de Renan à qui l'inculture de BHL et de Joffrin voudrait l'opposer.
    Rappelons que pour Renan, dans sa célèbre conférence « Qu'est-ce qu'une nation ?» de 1882, la nationalité se définit comme « le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune ». Il n'y est nullement question d'un territoire ouvert à tous les vents migratoires où n'importe quel individu, quelles que soient ses origines, pourrait venir s'ajouter à un conglomérat réuni par quelques idées abstraites et humanitaires. Renan emploie le verbe « continuer » parce qu'il s'adresse à un peuple déjà constitué, le peuple français, formé par ce qu'il appelle dans la même conférence un « long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements » ou encore « la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ».
    Maurras, pour sa part, reprend l'idée de « consentement » évoquée par Renan pour bien préciser que, dans ce qui doit rester (dans l'intérêt de la société et de sa stabilité) la forme normale d'adhésion à la nationalité, la part de la volonté est purement théorique, au sens que la philosophie classique donne à ce mot, c'est-à-dire de l'ordre du connaître, ou plus exactement ici du reconnaître, par opposition à l'ordre du faire, du créer. On ne se fabrique pas Français, on reconnaît (ou on rejette) cette qualité. Maurras ne nie pas pour autant que, de manière exceptionnelle, un étranger puisse devenir Français. Mais cela n'est pas la norme comme le dit l'étymologie même de nation, qui appartient à la famille de « naître ».
    Sur le sujet la ligne de fracture se situe donc bien entre, d'une part, Renan et Maurras, qui raisonnent sur les faits, et, d'autre part, Joffrin et BHL, qui font de la morale sur une question qui devrait relever de la physique sociale.

 

Stéphane BLANCHONNET

Article d'abord paru sur a-rebours.fr puis repris sur actionfrancaise.net et dans L'Action Française 2000.

 


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