Sexe, féminisme et rock'n'roll

 

   Ma première réaction dans l'affaire "Femen contre Civitas" a concerné son traitement médiatique. La presse écrite comme les médias audiovisuels ont immédiatement relayé, sans le moindre recul, sans une once d'esprit critique, la version de Caroline Fourest. Pourtant, grâce à Internet, aux photos, aux vidéos (y compris émanant des soutiens des Femens), il était facile d'en vérifier la partialité. Chacun pouvait constater de ses propres yeux que l'initiative de l'agression revenait bien aux Femens, qui se sont avancées à moitié nues, le corps recouvert d'inscriptions haineuses à l'égard des Chrétiens et de leur foi, armées d'extincteurs, dans le but d'entraver le déroulement d'une manifestation pacifique, déclarée et autorisée.

   Cela dit, quoi que l'on pense de la partialité des médias et du happening blasphématoire des féministes aux seins nues, rien ne justifie à mes yeux que des gros bras, sûrement extérieurs au service d'ordre de la manifestation, et venus pour en découdre avec leurs homologues de l'autre rive plus que pour "manifester", se soient "lâchés" sur des femmes. Ce faisant, ils ont commis deux fautes. La première contre eux-mêmes car frapper une femme est ignoble et dégradant. Blasphème contre blasphème. La seconde en entrant dans le scénario du happening où leur rôle, celui des brutes épaisses, était déjà écrit : les Femens utilisent dans toutes leurs actions la même arme, paradoxale mais diablement efficace, qui est l'ostentation de la fragilité de leur corps nu de femme, spécialement de leur poitrine. L'emploi de la force à leur égard, même la plus mesurée, devenant alors automatiquement le symbole de la brutalité, de l'abus, de la violence illégitime... La messe est dite, l'opinion retournée.

   Cette tactique, peut-être inspirée de la célèbre formule de l'amie de Voltaire, Mme du Deffand (« Les femmes ne sont jamais plus fortes que lorsqu'elles s'arment de leur faiblesse. »), les Femens l'ont d'abord utilisé en Ukraine, leur pays d'origine avant que ne se développe une multitude d'antennes locales dans différents autres pays, dont la France. Leurs actions, toujours très bien organisées, peuvent même parfois nous être sympathiques. Par exemple quand il s'agit de dénoncer la burqa en se dévoilant, au sens propre, au pied de la Tour Eiffel, ou encore de stigmatiser le ploutocrate DSK en se réunissant en soubrettes "sexy" devant son domicile... Ce côté "sexy", très évident pour les actions du mouvement Femen d'origine en Ukraine (qui semble n'admettre en son sein, si j'ose dire, que de grandes, jeunes et jolies blondes) n'est pas d'ailleurs sans provoquer des remous dans la mouvance féministe plus traditionnelle. Les "poupées" ukrainiennes usent en effet de leur corps comme d'une arme de protestation mais aussi de séduction. Elles s'inscrivent donc, qu'elles le veuillent ou non, dans la perspective de l’Éternel féminin récusée par le féminisme austère et rébarbatif de leurs aînées. Une querelle qui n'est pas près de s'éteindre si la meneuse (de revue ?) de l'antenne française du mouvement est bien une call-girl dans le civil comme le veut la rumeur !

Stéphane BLANCHONNET

Article d'abord publié sur a-rebours.fr puis repris dans L'AF2000  


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